Prologue
Une voyante m’a prédit un jour que je rencontrerais l’homme de ma vie par hasard lorsque je m’y attendrais le moins, qu’il serait bélier, un signe compatible avec le mien, alors s’il te plaît, père Noël, vu que cela fait maintenant un an que j’attends et que la solitude commence sérieusement à me peser (et surtout que j’ai eu trente ans cette année et que je vais bientôt être très vieille), offre-moi cet homme pour Noël, cette année… fais-le tout de suite, pourquoi pas ? De la manière que tu veux ! Avec un signe de reconnaissance ! Ainsi, je saurai que tu existes… Merci d’avance.
Nous sommes la semaine de Noël, la semaine où mon frère, Julian, épousera sa fiancée québécoise, qui porte le joli prénom de Charlie. Ils se marient dans quatre jours, le soir du réveillon du 24 décembre. Moi, je vais les rejoindre grâce à cet avion, dans lequel j’ai pris place, en partance pour Montréal qui, me semble-t-il, tarde un peu à partir…
N’ayant aucune information sur le retard (qui s’élève déjà à quinze minutes), inquiète (car je ne voudrais pas que le vol soit annulé), je hèle une hôtesse passant à proximité de mon siège.
— Excusez-moi, pouvez-vous m’expliquer pourquoi l’avion n’est toujours pas autorisé à décoller ? je l’interroge poliment avec un sourire toutefois crispé.
Elle s’arrête un instant pour me répondre d’une voix très douce accompagnée d’un sourire éclatant.
Je me demande comment font les hôtesses de l’air pour toujours être d’humeur joyeuse.
— Oh, bien sûr. Nous attendons notre dernier passager et nous décollerons tout de suite. Ne vous inquiétez pas, le vol arrivera bien à l’heure à Montréal !
— Je vous remercie.
Une fois qu’elle disparaît de ma vue (ou plutôt l’inverse), je souffle en jetant un œil à travers le hublot comme si cela pouvait changer quelque chose. Mais puisqu’il faut patienter, quelle autre solution ai-je ? Aucune.
Faut-il m’agacer pour autant ? Non !
Car aujourd’hui, je m’apprête à faire un vol de presque huit heures, dans un avion bondé, en direction du Canada, en plein hiver, avec un décalage horaire de six heures.
Et je suis hyper contente !
Pourtant, ce matin, j’avais plusieurs raisons de m’énerver : d’abord, j’ai failli oublier ma trousse de toilette (récupérée in extremis grâce à l’un de mes colocataires, qui m’a rattrapée dans l’escalier de mon immeuble, l’objet précieux à la main), ensuite, rater mon taxi (qui m’attendait déjà depuis dix minutes), sans parler de l’embouteillage dans Paris en raison d’une grève, et pour finir, j’ai manqué glisser sur une peau de banane… et cela m’a fait rire !
Rien ne peut ternir ma journée, rien !
Je souris en pensant qu’à l’hôpital, ils ne pourront pas m’appeler à la rescousse en cas de besoin, car je serai loin : de vraies vacances ! Même si au fond, je culpabilise un peu… j’espère que mes collègues qui sont de garde les jours de fête n’auront pas trop de travail.
Je respire profondément, puis je jette un œil à travers le hublot une nouvelle fois pour y découvrir le bitume et le ciel gris. Les premiers flocons sont tombés sur Paris ce matin et ils prévoient une tempête de neige. C’est bien la première fois depuis des siècles qu’il fait ce temps-là ici !
On dirait que tout change.
Alors, sans aucune raison, mon esprit se remémore la tragédie qui a frappé mes parents il y a cinq ans. Un accident stupide, un jour de froid glacial, sur une route glissante et enneigée. Ensuite, la date de leur mariage : un 24 décembre. Je me demande si Julian a choisi cette date exprès en leur mémoire. Et enfin ma vie sentimentale, qui n’est que catastrophe depuis que j’ai quitté Noah quand j’ai découvert son infidélité, il y a un an. Je suis persuadée que je ne trouverai jamais d’homme qui me conviendra, malgré ce que m’a dit cette stupide « voyante » de foire.
Une certaine amertume me gagne et je soupire, mes parents me manquent toujours autant. La vie est injuste. Ce qu’il leur est arrivé est injuste. L’hiver ne devrait pas exister. Jamais.
Et moi, je suis seule à Paris.
Mon petit frère vit au Canada depuis maintenant deux ans officiellement, comme un vrai citoyen, je veux dire. Depuis qu’il a mis les pieds là-bas avec un programme d’étudiants, il en est tombé amoureux.
Le Canada. Le pays des immenses espaces, celui qui l’a fait rêver depuis tout petit, ce pays qui lui a offert son premier poste de journaliste et celui où il a rencontré sa future femme. Je suis la seule famille qui lui reste et bientôt, il va en construire une à lui. Je soupire une nouvelle fois. Il va se caser à seulement vingt-cinq ans et moi, qui en ai trente, je n’ai toujours pas trouvé chaussure à mon pied. En songe, je revois son visage, que j’aperçois via Skype au moins une fois par semaine, et un sourire étire mes lèvres. J’adore mon petit frère. Je me demande si je ne devrais pas faire pareil que lui pour être auprès de lui. Partir à Montréal ? Je suis infirmière, peut-être pourrais-je me renseigner pour savoir comment trouver un poste dans un hôpital québécois ? Il m’a souvent proposé de m’aider à faire les démarches administratives pour devenir résidente au Québec, mais jusqu’à présent, je n’étais pas d’accord. Alors que finalement…
Mes lèvres coulent un sourire et je me sens déjà beaucoup mieux.
Vivre au Québec, pourquoi pas ? Montréal est francophone, je n’aurais même pas à parler anglais, d’autant plus qu’il paraît que c’est une ville renfermant des trésors inestimables. Certes, les températures sont sévèrement négatives durant l’hiver la majeure partie du temps, mais en été, elles sont douces : ni trop chaudes ni trop froides.
Cette idée me plaît de plus en plus.
De toute façon, qu’est-ce qui me retient à Paris actuellement ? Mon travail. Et mon travail ne sera plus un problème. Mes amis colocs ? Je peux entretenir une relation à distance et les revoir lorsque je viendrai à Paris « en touriste ».
Mon visage s’illumine, je suis satisfaite de ma réflexion : dès mon arrivée au Québec, j’y penserai sérieusement !
Je prends une profonde inspiration et je me sens de mieux en mieux.
Et moins seule.
Je regarde une nouvelle fois à travers le hublot lorsque je suis interrompue par quelqu’un qui prend place brusquement à mes côtés. Curieuse, je tourne ma tête vers lui pour prendre connaissance de son identité. Ou plutôt de son visage… ou plutôt de ses yeux… des yeux gris magnifiques qui glissent sur les miens, repartent et reviennent comme si la scène tournait au ralenti, pendant que les miens, immobiles, semblent y être attachés par un fil invisible. On dirait que son regard est… aimanté, car je n’arrive pas à m’en défaire. Une onde de désir inattendu m’enflamme.
C’est quoi, cette nouveauté ?
Père Noël, c’est toi qui me fais ce coup-là ?
Le pilote annonce le décollage : a priori, c’est mon voisin qu’on attendait.
— Pourquoi me fixez-vous de cette façon ? me demande-t-il comme un reproche.
Déstabilisée par sa phrase d’entrée en matière insolente alors qu’une introduction par un « bonjour » aurait été plus appropriée, le rouge me monte aux joues, moi qui suis consciente de l’effet que son regard brûlant a sur moi, de l’attrait qu’il dégage et de l’intensité de son expression sombre. Pourquoi me scrute-t-il comme si je le fascinais, maintenant ? Ses yeux gris semblent scintiller...
Non, mais, pourquoi j’ai l’impression qu’il me déshabille virtuellement ?
Je me racle la gorge pour reprendre mes esprits qui s’égarent, puis je me présente.
— Bonjour, je m’appelle Elyna, lui réponds-je d’une voix aimable.
Il incline la tête et me dévisage avec de gros yeux, comme si j’étais une extraterrestre. Mes narines détectent son odeur, un soupçon de parfum musqué et définitivement alléchant pour mon pauvre cerveau désorienté par son sex-appeal.
Il plisse le front et retrousse sa lèvre supérieure la bouche ouverte, comme s’il éprouvait du dégoût.
À mon tour, maintenant.
Je fronce les sourcils et j’ose une remarque qui le provoque, bien qu’elle soit bien d’actualité.
— Je trouve que vous n’êtes pas très poli, monsieur.
Il lève les yeux au ciel, puis souffle sans me répondre, comme si je l’importunais. Ma bonne humeur et mon trouble me quittent. Déterminée à ne pas me coltiner cet énergumène pendant tout le voyage, je décide d’interpeller l’hôtesse de l’air pour qu’elle m’autorise à changer de place.
Par chance, celle-ci exécute un nouveau passage dans « notre » couloir.
— S’il vous plaît ! Puis-je permuter ma place avec celle d’un passager qui l’acceptera ? Un homme, de préférence. Je dis ça par rapport à mon voisin, qui ne me paraît pas très affable avec la gent féminine.
La jeune femme s’arrête pour me répondre, mais elle est prise de court par mon voisin provisoire, qui prend la parole à sa place.
— C’est impossible, car en cas de crash, il faudra que la compagnie aérienne puisse vous identifier pour annoncer votre décès à vos proches.
Charmant !
L’hôtesse me lance un regard horrifié et réconfortant à la fois. Je me demande d’ailleurs comment elle arrive à faire cela.
Elle confirme les dires de mon voisin. Enfin, en quelque sorte.
— C’est interdit dans les règles de notre compagnie, mademoiselle. Vous devez rester à votre place.
Elle m’affiche un sourire professionnel, puis fusille mon voisin du regard, avant de terminer sa prose :
— Et il n’y aura pas de crash, monsieur. Inutile de faire peur à tout le monde.
Sans aucun autre mot, elle poursuit son chemin en le fusillant du regard une nouvelle fois, pendant que moi, j’exécute un long et profond soupir désespéré, trahissant ma déception. Je vais devoir le supporter pendant tout le voyage.
C’est une blague, père Noël ? Si c’est ça, ce n’est pas drôle !
Le mec à côté de moi se laisse aller contre le dossier de son siège, puis ferme ses paupières en marmonnant.
— Elle est dingue de moi.
Je lève les yeux au ciel et secoue ma tête rapidement de gauche à droite : comme s’il était irrésistible ! Il m’agace tellement en cet instant que je ne peux m’empêcher de rétorquer une réplique bien salée à son intention, même s’il semble s’être assoupi. Tant pis si je le réveille !
Père Noël, je ne suis pas désespérée à ce point !
— Je doute qu’un homme de votre espèce, aussi mal élevé et arrogant, intéresse une seule femme ici !
Il roule la tête sur son dossier dans ma direction et ouvre les yeux d’un coup pour me fixer. Un éclair envahit mon estomac : angoisse ? Peur ? Effet de surprise ?
Dernière proposition valable…
Sa bouche laisse échapper un sourire en coin avant d’articuler des mots. Sa bouche est… Mon Dieu, mais pourquoi je pense à sa bouche, moi ?
— Vous ne le savez pas encore, mais vous coucherez avec moi, m’affirme-t-il.
Je me raidis, stupéfaite. Il est sérieux, là ?
Je fulmine et lui lance un regard meurtrier. Indifférent, il ferme les yeux avec insolence, puis continue de plus belle.
— M’envoyer en l’air dans les toilettes d’un avion m’a toujours fait fantasmer.
Hein ? Il m’invite à… quoi ?! Non, mais quel culot !
— Eh bien, pas moi !
— Vous n’en êtes pas certaine. Alors, ça vous dit ? poursuit-il, les yeux clos.
Je n’en crois pas mes oreilles ! Quelle impertinence ! Pour qui me prend-il ? Je ne couche pas avec le premier venu ! Je sens la moutarde qui me monte au nez, qui chatouille mes narines et je tente par tous les moyens de contrôler mes nerfs, qui sont à vif.
— C’est non, sans façon ! terminé-je, outrée.
Franchement, père Noël, tu abuses, là !
— Vous ne le regretteriez pas… me dit-il encore en rouvrant les yeux.
— J’ai un petit ami ! lancé-je du tac au tac, alors que c’est faux et que je ne sais pas pourquoi je dois me justifier.
Ni pourquoi je me sens obligée de le fixer à chaque fois que l’un de nous deux parle !
— Ça ne me gêne pas, me répond-il.
Je n’y crois pas ! Son toupet me révolte.
Je lui réponds d’un ton sec, excédée.
— Moi, si.
Connard arrogant ! S’il continue, je vais porter plainte !
— OK, comme vous voulez. Ma proposition est valable pendant le vol, conclut-il en prenant une forte inspiration.
Non, mais quel abruti ! Je suis sûre que de la fumée s’échappe de mes oreilles tant mon énervement est monté. Je bous intérieurement et je pense que cela doit se voir sur mon visage, car j’ai soudain très chaud. Tu parles d’un cadeau !
— Non, mais à quel moment vous ai-je dit que vous m’intéressiez ? m’écrié-je.
— Lorsque vous avez maté mes yeux et mes mains, me dit-il en m’adressant un clin d’œil appuyé.
— Non, mais, à quel moment vous ai-je laissé croire que vous pouviez me faire une telle proposition ?
— Lorsque vous avez jeté un œil à mon entrejambe tout à l’heure, me répond-il en désignant cette partie de son anatomie avec son index droit.
Mon visage s’empourpre pour de bon alors que je refuse qu’il le fasse, mais celui-ci ne m’écoute pas. J’ai juste jeté un œil comme ça… par inadvertance !
C’est vraiment vrai, ce que tu racontes ?
Oui, je sais, père Noël, je l’ai « un peu » regardé « à l’endroit que tu sais », mais il tire des conclusions trop hâtives ! Et puis, je t’avais demandé un homme genre relation stable, pas un coup vite fait dans un avion !
— Quoi ? Non, mais je rêve ! Je ne vous ai pas… je regardais le… bref, à quel moment vous ai-je autorisé à me parler ? lui demandé-je en bégayant, complètement perturbée.
Il détourne son regard de moi avant de me répondre d’un ton ironique.
— Je n’ai pas besoin d’une autorisation, je fais ce que je veux et là, je n’ai plus envie de vous parler. J’ai eu un dur moment tout à l’heure et une journée de merde.
Ensuite, il ose me dévisager une nouvelle fois. Ses yeux ont l’air de sourire pendant que je plisse mes yeux d’une hargne qui l’abat sur place. Si j’avais un flingue, je crois bien que j’aurais descendu ce type.
Excuse-moi, père Noël, mais il pousse le bouchon un peu loin !
— Ça tombe bien, moi, je n’ai jamais eu envie de vous parler, conclus-je en croisant mes bras autour de ma poitrine et en serrant mes dents.
Il m’énerve à un point inimaginable, autant que ses yeux et ses mains qui me font de l’œil.
Non, mais je divague ou quoi ?
— Cool ! me répond-il comme s’il était finalement soulagé, ce qui m’agace encore plus.
— Fermez-la ! crié-je peut-être un peu trop fort.
Imperturbable et faisant mine de n’avoir rien entendu, le mec reprend le fil de la conversation comme si elle était naturelle. Et surtout, comme si je l’avais autorisé à me parler !
— Et sinon, vous vous rendez à Montréal pour affaires ? ose-t-il encore me demander en changeant de sujet sur un ton plus cordial.
— Ça ne vous regarde pas ! lui rétorqué-je d’un ton sec.
J’ai dû élever un peu trop la voix, car l’hôtesse refait une apparition pour prendre de mes nouvelles. À ma grande stupeur, je la chasse en m’en prenant à elle, alors qu’elle n’y est pour rien dans ce qui m’arrive.
— Vous allez bien, mademoiselle ? s’inquiète-t-elle.
— Je ne vous ai pas appelée, que je sache ! Je vais très bien, merci !
Je suis tout à fait consciente que mon ton est un peu rude alors qu’elle essaie juste de m’aider face à l’énergumène qui ne cesse de m’importuner, mais je ne m’excuse pas, car je peux me débrouiller toute seule ! Et surtout, je ne donnerai pas ce plaisir au mec du siège d’à côté, qui risquerait de penser que je suis une poule mouillée.
— Très bien, me répond-elle avec un visage sans sourire.
Je crois bien que je me suis fait une ennemie. Il faudra que j’aille m’excuser tout à l’heure.
— En colère, vous êtes bandante, ajoute-t-il. Jetez un œil à mon entrejambe, il durcit…
Au summum de ce que je peux supporter, je me redresse, ma main se lève et je lui assène une gifle magistrale sur sa joue droite, ce qui m’oblige à me rapprocher de lui. Il porte sa main à sa joue, attrape la mienne au vol avec son autre main et je reçois une décharge électrique. Un sourire diabolique apparaît sur ses lèvres.
— OK, j’imagine que je l’ai méritée. En fait, je voulais juste vous tester. Vous ne seriez pas sur la liste des femmes avec qui je pourrais coucher, de toute manière. Quoique…
Il semble réfléchir, puis poursuit sur un ton nonchalant :
— Non, désolé, vraiment, vous n’êtes pas mon genre, conclut-il avant de me lâcher ma main.
Quel goujat ! Du coup, ses yeux gris me paraissent un peu fades, cependant, un frisson s’échappe de mon corps lorsque sa main glisse sur la mienne en me libérant.
Vraiment, c’était quoi, cette sensation bizarre… ?
J’inspire un bon coup, puis expire lentement pour me calmer avant de lui répondre. Sa main était si douce… Non, mais je délire ?!
— Vous non plus, vous n’êtes pas mon type. De toute façon, je n’aime pas les retardataires comme vous qui font attendre un avion entier en se prenant pour le nombril du monde.
Donc, je ne suis pas assez bien pour lui ? Connard ! Tu crois que tu es mon genre, toi ? Peut-être, finalement, sans cette insupportable impertinence…
— J’ai perdu un pari avec mon meilleur ami et je me suis engagé à coucher avec tous les contacts féminins qu’il a enregistrés dans son téléphone, donc j’aurai bientôt ce qu’il me faut, m’avoue-t-il soudain.
Mais je m’en fiche !
Sérieux, père Noël, ton cadeau ne me va pas du tout !
Et toi, la voyante, ta rencontre au hasard, pfff…
Il boucle sa ceinture pendant que je porte ma bouteille d’eau à ma bouche, puis reprend d’une voix extrêmement douce.
— Quoique, si vous voulez vous envoyer en l’air dans les toilettes de cet avion... bon, OK, j’arrête... Au fait, mon engin est de taille XXL…
Hein ? Père Noël, arrête-le ou je te jure que je vais l’étrangler !
J’avale de travers, puis tousse tandis qu’il éclate de rire.
— Je fais toujours ça la première fois que je parle aux femmes, termine-t-il avec un clin d’œil.
— Vous n’êtes pas mon type d’hommes, je déteste les barbus !
— Ça, ça peut s’arranger… en fait, je n’aime pas les blondes non plus.
Ça, ça peut s’arranger… aussi…
C’est toi qui m’as fait penser de telles bêtises, père Noël ?
Je vais faire semblant de ne rien avoir entendu et observer avec curiosité les nuages à travers le hublot. Je vais dormir et lire pendant tout le voyage, et penser à autre chose que la chaleur qu’il a provoquée entre mes cuisses.
Père Noël, à partir de maintenant, reste en dehors de ma vie sentimentale.
Je tapote nerveusement mes ongles sur la tablette devant moi. C’est plus fort que moi, je ne peux pas en rester là, donc, j’ajoute encore une remarque à son attention, alors que je devrais me taire.
Mais il est tellement, tellement agaçant !!!
Quelqu’un doit le lui apprendre.
— Vous… vous êtes exaspérant !
Il me scrute un instant et son regard me donne des picotements dans le bas-ventre.
C’est une traduction de la colère dans mon corps, sans doute… quoi d’autre ?
— Finalement, je me suis trompé. Avec votre allure de Parisienne guindée, je pensais que vous étiez superficielle… que vous n’aviez rien dans le ventre et je ne sais pas pourquoi, j’ai eu envie de vous pousser à bout, pour voir jusqu’où vous me laisseriez aller.
Il se penche vers moi et son souffle m’attrape de plein fouet, puis me donne le vertige. Mon cœur tape dans mes tempes tandis qu’il termine en beauté.
— Je suis ravi de constater que vous ne vous laissez pas faire. N’y voyez rien d’autre, termine-t-il avec un clin d’œil.
C’était donc un test ?! Il me provoquait ? Mais pourquoi ? Et puis, qu’est-ce qui ne lui convient pas dans mon allure ?
De quoi je me mêle, d’ailleurs ? Je m’habille comme je veux !
— C’est certain, je ne suis pas du style à me laisser faire, mais en quoi cela vous importe-t-il ? lui demandé-je d’un ton plus modéré en lui jetant un coup d’œil à la dérobée, alors que sincèrement, je ne comprends pas pourquoi je poursuis la conversation avec lui.
Et pourquoi j’ai l’impression que ses yeux s’accrochent aux miens à chaque fois qu’il me regarde… ?!
— Parce que j’aime bien que les femmes qui me plaisent me résistent d’abord.
Je ne sais pas pourquoi, mais là, maintenant, j’ai juste envie qu’il m’emporte avec lui quelque part, me plaque contre un mur, écrase ses lèvres sur les miennes et me fasse taire.
Non, mais je suis vraiment tarée ! Père Noël, au secours !!
— Je suis désolé. Aujourd’hui, j’ai vraiment eu une dure journée, je voulais juste plaisanter un peu, conclut-il avec une étincelle dans les yeux.
Son aveu me transperce et j’ai mal au ventre, un mal vraiment bizarre… Comment vais-je arrêter cette chaleur qui ne cesse d’augmenter entre mes cuisses, maintenant ?
J’ai besoin de chocolat, beaucoup de chocolat !
Il m’offre un sourire tellement sexy que cela me chamboule, mais m’envoyer en l’air avec un inconnu… très peu pour moi !
Il détourne sa tête, puis se laisse aller sur son siège pour enfin fermer les yeux et me laisser tranquille une bonne fois pour toutes.
Moi, je serre les cuisses en écoutant la voix du pilote qui surgit enfin.
« Mesdames, messieurs, bienvenue à bord de ce Boeing 777 à destination de Montréal. La durée du vol sera de sept heures et trente-cinq minutes. Nous atterrirons à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau à dix-sept heures trente-sept heure locale. Aucune perturbation n’est prévue pendant toute la durée du vol. Nous vous souhaitons un agréable vol en notre compagnie et vous remercions d’avoir choisi Air France ».
Sept heures trente-cinq minutes à supporter mon voisin. Ou plutôt l’effet qu’il a sur moi, parce qu’il est assis dans le siège d’à côté et qu’il m’ignore complètement.
Et moi ? Idiote que je suis ?!
Je brûle d’envie pour un inconnu qui m’insupporte !
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